
À Saint-Macaire, l'Utopie se fabrique au coin de la rue Mathieu Romain
Il y a des mots qui semblent recouverts d’une fine poussière de désuétude. « Utopie » est de ceux-là. On le prononce avec une pointe d’ironie, un sourire en coin pour qualifier les rêves des autres. Pourtant, à Saint-Macaire, ce mot a été choisi, délibérément, comme le cœur battant d’un été. Pas l’utopie grandiose et lointaine, mais « Nos utopies », au pluriel, intimes et collectives. La voix de Françoise Poutays, nouvelle présidente de l’association « Un été particulier », est à l’image de cet événement : posée, douce, mais habitée par une certitude tranquille. Celle que pour inventer demain, il faut oser le rêver.
Née en 2020, au sortir d’un confinement qui nous avait volé l’espace public, cette manifestation artistique a gardé l’empreinte de son origine : une irrépressible envie de dehors, de libération, de réappropriation collective. « On voulait vraiment faire quelque chose dehors, prendre possession de l’espace public », confie Françoise. D’abord événement spontané, « Un été particulier » est devenu une association, puis une biennale qui, pour sa quatrième édition, rassemble quinze artistes autour de ce thème audacieux.
Françoise Poutays, artiste elle-même depuis la première heure, a accepté la présidence un peu par la force des choses, pour « sauver le bateau », dit-elle avec une humilité qui en dit long sur l’esprit du projet. Il n’y a pas de grands discours dans sa voix, mais le rythme mesuré de celle qui sait la valeur du faire ensemble. Elle raconte non pas une exposition, mais un dialogue. Ici, les œuvres ne sont pas simplement installées ; elles naissent d’un lieu, d’une ruelle, d’un lavoir, d’un recoin de la cité macarienne choisi par l’artiste. « Le but de l’exposition, c’est de créer l’œuvre dans le site, pour le site ».
Et quelles œuvres. En l’écoutant énumérer avec une application touchante les créations de ses pairs, on voit se dessiner une carte sensible de la ville. On imagine les personnages en paille de Sofia Gois, les frêles silhouettes de Christina Lué, ou « La maison de mes rêves » en tôle de Marie-Ange Daudé installée près du monument aux morts, comme un murmure de paix. L’utopie se fait concrète, parfois pleine d’humour et de distance. Elle prend la forme de petites fourmis en céramique par Sandrina, portant un message de paix au pied des maisons. Elle s’incarne dans les abeilles fabriquées par les enfants de la maternelle, suspendues à un arbre. Chaque pièce est une réponse, une proposition, une brèche dans le réel.
L’aventure de cet été trouvera son point d’orgue le samedi 4 octobre, lors d’une « nocturne » qui promet un dernier éclat de poésie. Dès 19h, les comédiens « Les givrés » improviseront, avant que le public ne soit invité, à partir de 21h, à une déambulation finale. Les œuvres, éclairées par un professionnel, révéleront une autre facette de leur mystère dans la pénombre de la ville. Ce soir-là, on ouvrira aussi les « boîtes à utopie », disséminées dans la ville, pour y lire les songes que les passants y auront déposés.
Plus qu’un événement culturel, « Un été particulier » est un acte de résistance poétique. À une époque qui se complaît dans les récits dystopiques, où l’imagination « n’est plus bonne qu’à imaginer le pire », Françoise et les artistes de Saint-Macaire nous rappellent une vérité simple : l’utopie n’est pas une fuite, c’est une construction. C’est « retrouver un peu de souffle ». Et en se promenant dans les rues de Saint-Macaire, on respire déjà un peu mieux.
À Saint-Macaire, l’Utopie se fabrique au coin de la rue Mathieu ROMAIN
Podcast: Play in new window | Download
S'abonner à nos podcasts Apple Podcasts | RSS | More