Leçon de conduite à 139 km/h : L’élève frôle l’exploit, le moniteur perd son permis

BERNOS-BEAULAC (Gironde) – On pensait avoir tout vu sur ces départementales où le plus grand danger est de s’endormir de langueur entre deux rangées de platanes ou de pins, c’est selon. C’était sans compter sur le génie humain, cette source inépuisable de stupéfaction. Jeudi après-midi, les gendarmes de l’Escadron départemental de sécurité routière ont eu ce qu’on appelle dans le jargon une « belle prise ». Un missile sol-sol flashé à 139 km/h sur une portion de route où même les sangliers respectent les 80.

Le moment classique : gyrophare, interception, le cœur des agents battant au rythme d’une future saisie de véhicule et d’un délinquant routier de compétition. Ils s’approchent. Et là, le choc. Pas un caïd en go-fast. Pas un quadra en pleine crise existentielle au volant de sa berline allemande. Non. Au volant : un adolescent. Un gamin dont la moustache naissante devait être moins fournie que le « A » collé à l’arrière du véhicule.

Oui, vous avez bien lu. Le pilote d’essai n’avait même pas son permis. Il était en « pleine conduite accompagnée ». Une notion soudainement très relative.

Le plus beau, le plus tendre, le plus cruellement drôle dans cette histoire, c’est la place du passager. L’accompagnateur. Le guide. Le phare dans la nuit de l’apprentissage. On l’imagine, quelques minutes avant, professant avec une gravité paternelle : « L’important, Kévin, c’est l’anticipation. Et la douceur sur les commandes. » Une douceur qui a visiblement pris la forme d’un pied au plancher pour tester si la Twingo pouvait atteindre Mach 1.

Les gendarmes, oscillant entre l’envie de rire et la procédure, ont fait ce qu’ils avaient à faire. Et le couperet est tombé, avec une poésie administrative parfaite : le permis de l’accompagnateur a été suspendu sur-le-champ. Le voilà piéton. Lui, le responsable, le détenteur du savoir, condamné à user ses semelles en méditant sur la transmission. Il voulait apprendre à son jeune padawan à conduire ; il lui a finalement montré comment… ne plus avoir le droit de le faire.

C’est une fable moderne. Une histoire sur la jeunesse qui veut toujours aller plus vite que la musique, et sur les adultes qui finissent par payer l’addition pour avoir cru, un instant, qu’ils pouvaient encore la suivre.

Ce week-end, les contrôles seront renforcés. On cherche désormais à savoir si des bébés en trottinette dépassent les 50 km/h en ville. À ce stade, plus rien ne nous étonne.