play_arrow
Au cœur de la foire, les voix libres du Foyer Lévite Francis Virepinte
Le son, d’abord. Un joyeux chaos. Celui de la foire de La Réole qui bat son plein. Des éclats de rire, le son lointain d’un manège, des annonces au micro qui se perdent. Et au milieu de ce grand tumulte, une table, quelques micros et une poignée de chroniqueurs pas comme les autres. Bienvenue à l’émission « On n’est pas des enfants », le rendez-vous mensuel des résidents du Foyer Lévite, délocalisé pour l’occasion en plein cœur de la fête, sur l’antenne de Radio Entre-deux-Mers.
Aux manettes, ou plutôt au micro principal, Francis orchestre ce direct fragile et vivant. Il lance les sujets, distribue une parole qui ne demande qu’à fuser, tente de garder un cap dans ce qui ressemble moins à une émission qu’à une conversation de table animée. Autour de lui, la troupe est là. Il y a Xavier, qui répond souvent par un « Yes » laconique mais dont le sourire s’entend dans la voix. Il y a Jean-Marc, la mémoire du groupe, qui se souvient avec une précision touchante de l’époque où la foire accueillait « le catch » et « le bolide infernal ».
Il y a Christopher, l’hyperactif, champion autoproclamé de surf et judoka, qui plaisante sur sa licence de foot en attente et chambre gentiment Francis sur son tracteur-tondeuse. Et puis Fanny, dont la voix est une mélodie à elle seule, ponctuant la discussion de « oui » et de « il dit oui », et qui, dans un élan de générosité, se dit prête à offrir des hamburgers à toute l’équipe, et même plus.
Leur radio est à leur image : spontanée, sans filet. On oublie le nom d’une stagiaire ? On écoute l’interview pour s’en souvenir. La musique est demandée par Kévin, le générique est lancé par Xavier. Chacun a son rôle. Quand Francis demande à Jean-Marc s’il compte « carotter quelques poules » à la foire, le rire est général. C’est une radio de l’instant, où les blagues fusent, les souvenirs s’invitent et la vie du foyer déborde du cadre institutionnel pour s’exposer, simplement.
L’émission est aussi un pont. Un pont entre le dedans et le dehors, entre le passé et le présent. Invité surprise, Jean-Michel Aristegui, ancien directeur de l’ESAT où certains ont travaillé, ravive les souvenirs. « Est-ce que vous allez toujours en stage à l’ESAT ? » demande-t-il à Marie-Christine et Jean-Marc. « Non, on est à la retraite maintenant ! » répondent-ils en chœur, avec une pointe de fierté. On parle jardinage, chambres en désordre, activités du foyer. La parole est simple, directe, elle raconte un quotidien.
Puis, le micro circule pour recueillir les impressions sur la foire. Sophie raconte, un peu intimidée, être montée dans les auto-tamponneuses. Christopher détaille son marathon des manèges. Pour eux, l’événement n’est pas seulement un décor, c’est une expérience qu’ils partagent en direct avec les auditeurs.
Et soudain, au milieu du brouhaha, une voix s’élève, seule. C’est Christine, que ses camarades appellent affectueusement « notre chanteuse de The Voice ». Elle entame Emmène-moi danser ce soir de Michèle Torr. Le son est celui du direct, avec ses imperfections. La performance n’est pas calibrée, mais elle est habitée. Chaque mot est porté par une émotion brute, une sincérité qui impose le silence. Pendant deux minutes, la foire, les blagues et le chaos s’effacent. Il ne reste qu’une voix qui chante un désir d’évasion, et un groupe qui l’écoute avec une tendresse infinie. « Tu iras à The Voice à Paris », la taquine Xavier après les applaudissements.
L’émission s’achève comme elle a commencé, dans une joyeuse pagaille. On passe un bonjour collectif au reste du foyer, on lance un dernier morceau. Les voix se taisent, mais leur écho reste. Celui d’une heure de radio où la parole n’a pas été donnée, mais prise. Avec force, humour et une humanité désarmante. Une radio bricolée, vivante, essentielle. Une radio qui ne prouve rien, mais qui montre tout.
play_arrow
Au cœur de la foire, les voix libres du Foyer Lévite Mathieu ROMAIN
Podcast: Play in new window | Download
S'abonner à nos podcasts Apple Podcasts | RSS | More