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REM R.E.M.
S’appeler Fooxyla et ne presque jamais dessiner de renards. Pendant longtemps, ce fut le paradoxe tranquille de Laure Jehenne, illustratrice jeunesse installée à Bordeaux. Son univers, peuplé de ratons laveurs espiègles et de personnages doux, gardait son animal fétiche à distance — une passion d’enfance, née à 10 ans, mise de côté, peut-être trop intime pour être simplement « travaillée ».
Il aura fallu une rencontre, un « coup de foudre amical » avec un refuge de Dordogne, pour que l’artiste et son totem se rejoignent enfin. Aujourd’hui, cette union prend la forme d’un projet singulier : un jeu de tarot entièrement dédié au renard, où l’art devient le porte-voix d’une cause.

Ce projet est l’aboutissement d’un cheminement personnel. Le parcours de Laure, 27 ans, n’a pas été une ligne droite. Elle commence par des études en design graphique dans le nord de la France. Une période qu’elle décrit factuellement — « les logos, les publicités » — avant d’admettre avec une sincérité posée : « J’avais pas forcément envie de faire ça toute ma vie. »
Le pivot s’opère à Bordeaux, avec des études en illustration numérique et traditionnelle. C’est là que le déclic se produit. « Je me suis dit, pourquoi pas faire de l’illustration, » raconte-t-elle, « j’aime beaucoup ça, ça me fait du bien. »
Ce « bien-être » devient sa boussole. Elle développe son style « jeunesse », inspiré par la douceur visuelle des réseaux sociaux. D’abord centrée sur le « chara design » (les personnages), sa carrière prend un tournant animalier lors d’un stage intensif de deux mois. Une immersion forcée dans l’illustration d’animaux de compagnie qui, par la pure discipline, lui ouvre un nouveau champ d’expression.
Fooxyla commence à vendre ses créations — des illustrations et des « goodies » (stickers, pins) — en ligne et dans des boutiques bordelaises, comme celle près de la Grosse Cloche. Elle se lance aussi dans les conventions et les marchés de créateurs. C’est là que sa personnalité transparaît le plus. « Moi, à la base, je suis quand même une personne assez timide, » confie-t-elle.
Loin d’être un obstacle, cette introversion est devenue une force. Elle a dû chercher des outils, suivre un coaching via une association, pour apprendre à parler de son travail. Cette démarche, ce passage obligé, a solidifié son intention. Elle ne vend pas seulement des images ; elle partage un univers qu’elle a mis du temps à oser défendre.
Et puis, il y a le renard. Cet animal « majestueux, très beau, très poétique… un peu mixé entre un chien et un chat » qui la fascine depuis l’enfance.
Le catalyseur sera numérique, puis très réel. Laure découvre sur Instagram « Le Clos des Renardises », un refuge pour renards à Douzillac en Dordogne, à une heure et demie de chez elle. Intriguée, elle contacte la fondatrice, Carine Gresse. Avec son conjoint monteur vidéo, elle se rend sur place. Le terme qu’elle emploie est puissant : un « coup de foudre amical ». Ils sont touchés par le lieu, par les gens, par la mission.
C’est là qu’elle la voit. Une renarde en quarantaine, un peu à part. Une créature « très mignonne » qui porte un nom : Lune.
Pour une artiste sensible au symbolisme, la connexion est immédiate. Lune. La Lune. L’une des cartes les plus iconiques du Tarot. « Tout de suite, je me suis dit, je vais faire une carte de tarot en lien avec Lune, » explique-t-elle. L’idée grandit : pas une seule carte, mais les 22 arcanes majeurs. Le projet qui sommeillait vient de trouver son âme.
Ce défi est devenu son plus gros projet à ce jour. Un tarot où chaque carte est repensée à travers le prisme du refuge. Les illustrations ne sont pas de simples « renards mignons » ; elles sont chargées de sens, intégrant de subtils clins d’œil à la vie du « Clos ». L’Impératrice est entourée des poulaillers réels du refuge. Le Chariot est, littéralement, le chariot que les bénévoles utilisent pour transporter les croquettes.
Le projet est désormais sur la plateforme Ulule, jusqu’au 9 décembre, avec un objectif de 1300€ pour financer une première impression de 50 exemplaires. Pour 30€, on peut acquérir le jeu complet, et même pour 5€, son nom est inscrit dans le tarot imprimé.
En écoutant Laure Jehenne, on comprend que ce tarot n’est pas une fin en soi. C’est la fusion parfaite de son identité (Fooxyla), de sa passion (le renard), de sa sensibilité (la cause animale) et de son art. La timide illustratrice de personnages a trouvé le projet qui lui permet, enfin, de mettre son animal fétiche au centre de son œuvre, non pas pour elle-même, mais pour les autres.
Écrit par: Mathieu ROMAIN
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