REM R.E.M.
Quand on l’appelle « Monsieur le Président », un léger trouble passe dans sa voix. Sébastien Durand, à la tête de l’association Musiques en Bastide, ne cherche pas les titres. Sa réponse, polie et presque immédiate – « Ce n’est pas nécessaire » – n’est pas une fausse modestie. C’est la marque d’un homme qui conçoit sa fonction comme un service, une responsabilité qui « ne se demande pas, [mais] s’accepte ». Cette humilité, posée et sincère, contraste avec la puissance décibélique de son projet : la Seisach, un festival dédié au Metal extrême qui, pour sa sixième édition, s’apprête à faire vibrer Sauveterre-de-Guyenne.
Car derrière l’organisateur se cache une vision. Une quête obstinée qui revient comme un leitmotiv dans son phrasé calme et réfléchi : donner du « sens ». Ce mot, il le prononce avec une conviction douce, une intonation qui révèle le moteur de tout son engagement. Le sens de proposer une scène aux pépites locales. Le sens de faire venir des légendes, ces « darons de la scène » comme Misanthrope, qu’il allait lui-même applaudir adolescent en 1999. Le sens, enfin, de prouver que le Metal extrême, ce genre musical qui « peut être assez impressionnant », est avant tout une affaire de talent et d’intelligence de composition. « Pour jouer aussi fort, aussi vite, il faut forcément jouer bien », explique-t-il, et dans sa voix, on entend moins une justification qu’une évidence, celle d’un passionné qui veut partager la beauté qu’il perçoit derrière le mur du son.
Loin de l’image d’une forteresse réservée aux initiés, la Seisach version Sébastien Durand est une invitation. Au fil des ans, l’événement a muté, s’est enrichi, s’est ouvert. Il n’est plus seulement une série de concerts, mais un véritable espace culturel pensé pour dialoguer avec son territoire. L’idée d’un marché d’exposants, accessible indépendamment des concerts, en est la preuve la plus éclatante. « Vous pourrez, en famille, en toute sécurité, venir nous voir », insiste-t-il.
L’intention est claire : tendre la main aux curieux, aux habitants de Sauveterre et des alentours. Leur montrer l’artisanat du cuir et du bois, les illustrateurs, le luthier, tout cet écosystème créatif qui gravite autour de la musique. Cette année, l’offre s’élargit encore avec une proposition audacieuse : une rétrospective jouable de la saga vidéoludique Doom, monument culturel dont les liens avec le Metal sont inscrits dans son ADN. De 1993 à 2025, sur les consoles d’époque. Une manière de connecter les générations et de faire du festival un lieu de vie, de découverte, où l’on vient pour un concert de Black Metal épique et où l’on reste pour s’essayer à un classique du jeu vidéo.
La programmation, elle, est un subtil équilibre entre transmission et découverte. Le vendredi « Warm-up » est une main tendue, à la fois aux jeunes groupes prometteurs et au public pour qui « les temps sont difficiles ». Le samedi, c’est une messe métallique où chaque groupe a été choisi avec une précision d’orfèvre. Il parle de Belore et l’on sent presque le « souffle épique » nous traverser. Il évoque Hexecutor, ce groupe si rare en Gironde, et l’on perçoit la fierté du programmateur qui offre un cadeau à sa communauté.
Mais cette passion a un coût. Quand il l’évoque, sa voix ne faiblit pas mais se teinte d’une lucidité poignante. Il parle de la fatigue accumulée, des « bûchettes de vie » qu’il consume pour que la Seisach existe. « Jusqu’à quand, je ne sais pas », glisse-t-il. Alors, pourquoi continuer ? La réponse fuse, simple et essentielle. Les remerciements des festivaliers, ces moments de connexion qui rechargent son énergie, qui valident ce besoin cathartique de « faire communauté ».
Dans la voix de Sébastien Durand, on entend la passion d’un fan, la rigueur d’un enseignant et le dévouement d’un bâtisseur. Il ne fait pas que programmer des concerts. À Sauveterre-de-Guyenne, les 17 et 18 octobre, il offrira ce qui est devenu rare : une expérience collective qui a profondément, et intensément, du sens.
Retrouvez son interview complète dans la matinale, jeudi 2 octobre à 7h30 et 8h30
Écrit par: Mathieu ROMAIN
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