
Jean-Christophe Candau : la musique pour illuminer la pierre Mathieu Romain
Imaginez un manuscrit médiéval. Autour des mots sacrés, un artiste a peint des arabesques d’or et de lapis-lazuli. Ces motifs ne sont pas de simples décorations ; ils disent au lecteur : ce que tu lis ici est précieux. Ils magnifient le sens, ils illuminent la page. Et si l’on pouvait faire de même pour une ville ? Si l’on pouvait, par la grâce du son, rehausser la majesté de chaque pierre, de chaque ruelle, et révéler l’âme d’une cité entière ?
Cette vision, d’une poésie folle et d’une logique implacable, est celle de Jean-Christophe Candau. C’est le concept fondateur de son festival, Les Riches Heures de La Réole : l’enluminure sonore.
Lorsqu’il arrive dans la cité girondine en 2007, ce chanteur professionnel et directeur de l’ensemble Vox Cantoris ne découvre pas seulement un lieu où poser ses valises. Il trouve la page blanche, ou plutôt la page de parchemin multiséculaire, sur laquelle son projet le plus cher allait pouvoir s’écrire. Subjugué par ce patrimoine « extraordinaire », il perçoit ce qui échappe au regard pressé : une histoire qui ne demande qu’à être non pas racontée, mais chantée.
Car la quête de Jean-Christophe Candau n’est pas seulement esthétique. C’est une interrogation profonde sur la nature même de la musique. Son obsession n’est pas tant la musique ancienne que la question de ses origines : comprendre « pourquoi elle jaillit » à une époque, « quelle est sa fonction » sociale et spirituelle. Cette démarche d’archéologue du son a trouvé à La Réole un terrain de jeu idéal, un écho parfait entre les partitions anciennes et les pierres qui les ont vues naître.
Ainsi, le festival n’est pas une simple programmation de concerts dans de jolis lieux. C’est un acte de révélation. Chaque note qui s’élève dans une église romane n’est pas une performance dans un décor, mais la bande-son originelle du lieu qui est restituée. La musique devient la lumière qui révèle les reliefs et les secrets de l’architecture. La ville n’est plus un contenant, elle devient l’instrument.
Cette ambition est portée par un désir ardent de transmission, loin de tout élitisme. On le sent dans le calme de son argumentation, dans cette volonté de se faire « passeur ». Il s’agit de partager des « trésors », de rendre accessible ce patrimoine immatériel au « grand public », notamment dans un « coin de ruralité » où l’on n’attend pas forcément les plus grands ensembles internationaux.
Pour la 17ème édition, placée sous le thème des Passions, la démarche atteint son paroxysme. La musique devient ce « langage supérieur » qui explore les tumultes de l’âme, tout ce qui échappe à la raison. Le geste le plus fort de cette édition est sans doute cette « répétition publique » où il ne se contente pas d’ouvrir les portes de son atelier. Il invite le public à participer, à « émettre un son avec sa bouche » pour faire l’expérience intime de la création.
En nous conviant à chanter, même quelques mesures, Jean-Christophe Candau accomplit l’acte ultime de transmission : il abolit la distance entre l’œuvre et nous. Il ne nous demande pas seulement d’écouter, mais de devenir, le temps d’un instant, les artisans de cette grande enluminure sonore. Il ne dirige pas seulement un festival ; il tisse des liens invisibles entre les âmes, les époques et les pierres.
Jean-Christophe Candau : la musique pour illuminer la pierre Mathieu ROMAIN
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